LA FAILLITE D’UN «INTELLECTUEL» ÉMERGENT




Dans son ouvrage Petites misères et grand silence (Éditions Ndzé, 2001), notre compatriote Luc Ngowet qualifie à la page 128, Guy Rossatanga-Rignault, « d’illustre représentant » de l’intellectualisme Gabonais. Dans son article, L’insoutenable Condition du Clerc Gabonais (Politique africaine, octobre 1993, p.48-60), Guy Rossatanga-Rignault lui-même écrit: «Parler de l'intelligentsia gabonaise pourrait revenir à s'interroger sur sa genèse, son organisation, ses mœurs, ses statut et fonction sociaux, ou son, rapport au pouvoir politique. Autant de questionnements intéressants, mais qui ne pourraient, ici sérieusement, être examinés. Aussi avons-nous préféré orienter les développements qui suivent vers, la question des positionnements des intellectuels gabonais face au pouvoir politique. Cette question, comprenant en elle même, la problématique de la condition sociopolitique de l'intellectuel gabonais. Une condition qui, jusqu'à présent, n'a laissé de véritable choix qu'entre la collaboration, la trahison et le martyr ».

Vu que Rossatanga se retrouve désormais tout puissant et influent conseiller d’Ali Bongo, il y a lieu de lui demander qu’elle a été son choix d’intellectuel, entre collaboration et trahison ; sachant bien entendu qu’il se soit refusé le martyr. Nous ne saurions bien entendu imposer un lexique à M. Rossatanga. Nous ne faisons que le mettre face à ses propres diagnostics. Et vu que notre intellectuel ne saurait prescrire des analyses valables pour les autres et non pour lui-même, il restera donc que les deux seuls choix qui lui restent sont d’avoir préféré soit la collaboration ou encore la trahison. Encore que pour trahir ses idées, il faille au préalable croire en quelque chose; et il n’est pas très clair que Rossatanga ait jamais cru en grand-chose.
Pour quelqu’un qui a publié des ouvrages comme : « L'État Au Gabon: Histoire Et Institutions » ; ou encore des articles comme : « Faut-il avoir peur des Fang? De la démocratisation et de l'ethnisme au Gabon »; il serait bon qu’il nous dise quel stimulus intellectuel l’a amené à travailler avec un pouvoir dictatorial héréditaire anachronique, qui s’impose à la population par la force. Sans oublier de mentionner les massacres perpétrés par Ali Bongo à Port-Gentil, la ville dont est originaire Rossatanga. A moins que ce dernier ne soit partisan du discours de Rose Rogombé qui voulait que ce soit les « étrangers » venus d’ailleurs au Gabon, qui sèment le désordre à Port-Gentil.
Quand on est intellectuel (on peut supposer sans risques de se tromper que Rossatanga se défini comme tel) ayant atteint une notoriété universitaire dans son pays, et sachant que l'universitaire est souvent un agent de la transformation sociale, surtout dans les pays du tiers monde où le besoin de développement et de progrès social est plus fort qu'ailleurs, M. Rossatanga ne devrait pas être étonné de se voir demander en quoi son engagement et implication auprès d’Ali Bongo aide à infléchir l'orientation de la politique « émergente ». La présence de Rossatanga auprès d’Ali Bongo, aide t-elle à arriver à une meilleure mobilisation des ressources matérielles et humaines qui aboutirait à une diminution des contraintes dans lesquelles se débattent les plus démunis au Gabon? Ou alors M. Rossatanga nous servirait-il la réponse toute prête, qui voudrait qu’il ne soit qu’un fonctionnaire soucieux de servir l’État et surtout soucieux de sa carrière professionnelle, qui ne parle politique qu’avec détachement dans ses ouvrages et articles que du reste pas grand monde au Gabon ne lit. Face à cette excuse, on lui répondra volontiers en lui demandant où serait donc passé l’audace de l'intellectuel qui veuille que la société soit non seulement objet de connaissance abstraite, mais aussi qu'elle soit susceptible d'être transformée par l'action volontaire de ses membres. On lui rappellera que les concepts dont il a souvent parlé dans ses nombreuses publications, concepts tels que : l'État de droit, la citoyenneté, la démocratie etc., où les place t-il depuis qu’il s’est mis au service de l'appropriation privée du pouvoir ? Lui qui expliquait si bien comment le pouvoir au Gabon neutralisait les intellectuels Gabonais pour qu'ils ne servent pas de référence et d'autorité morale à ceux qui seraient tentés de s'inspirer de leurs actions. Celui qui dans ses ouvrages se défend d’éclairer le peuple, aide avec dévotion un pouvoir dictatorial à rendre le peuple Gabonais totalement aphone. Celui qui regardait naguère autour de lui, analysant la société au passage, n’a plus d’yeux que vers l’« en haut », vers les sphères du pouvoir où il recherche une reconnaissance et une récompense qu'il n'obtiendra que s'il accepte de véhiculer le discours officiel et prêcher la bonne parole. Celui qui se voulait universitaire, éditeurs, gardien du savoir, chante désormais la gloire de la dynastie « émergente » dont il est l'obligé. Epilogue bien ténébreux et grotesque d’un parcours « d’intellectuel ».

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